Paille 2...

Début juin 2011 !

C'est la panique ici depuis quelques semaines. Le sécheresse sévit, on craint la canicule. En 2003, celle-ci avait brûlé l'herbe en quelques jours.De plus, les sauterelles avaient fini le reste ! On guette donc ces dernières, ce serait le signe qu'il faut couper le plus vite possible ! Mais on sait déjà que la récolte de fourrages sera déficitaire de 60 à 70 % !

Différents échos me parviennent, au gré des réunions ! L'angoisse pousse à faire un peu n'importe quoi ! Beaucoup tentent leur chance directement auprès de céréaliers ! Ceux qui vendent habituellement leur paille font flamber les cours ! De plus, on craint le pire en terme de volumes à l' hectare de céréales... On entends de tout, le ministre de l'agriculture lance même des chiffres ! Un ami prétend que certains éleveurs retiennent de la paille à 100 € tonne derrière la moissonneuse en 77 ! Un autre, qui connaît ce milieu, explique qu'il est impossible de trouver un kilo à moins de 150 km... Cette limite semble s'éloigner de plus en plus au fur et à mesure des déclarations, des jours secs et de la panique... De plus, des céréaliers, habitués les autres années à stocker leur paille jusqu'à l'hiver, refusent d' en céder un kilo, espérant une flambée des prix en hiver !

Certains ici prennent leur voiture pour aller chercher des hectares au nord de la Bourgogne et en Seine et Marne. Ils croisent des éleveurs d'autres régions, en quête eux aussi, de ce produit autrefois décrié qui est la seule ressource possible pour sauver les troupeaux ! Tous les bruits circulent ici sur les cours rendus en ferme, même les plus fous, puisque certains annoncent que la paille pourrait dépasser les 150 € par tonne, avant l'hiver ! Les marchands habituels refusent de donner des prix ! " On verra plus tard !"

Je reprends quelques notes de 2003 pour recomposer les prix. Les chambres d'agriculture publient un premier chiffre déterminant pour la suite : Le coût des engrais nécessaires pour compenser l'exportation de la paille : Ceux-ci tournent entre 20 et 21 € ! Quelques appels téléphoniques permettent d'actualiser les chiffres du pressage, de la mise en tas et de la reprise pour charger ensuite le camion !

Le total approche les 52 €/t ! Cela veut donc dire que celui qui a donné 100 € devra débourser 131 ou 132 € pour voir sa paille sur un camion ! Un camion dédié, c'est à dire partant d'ici et revenant avec son chargement, qui avoisine les 20 à 22 tonnes coûte 1.5 € du kilomètre. Plus, dès que l'on franchit les 280 km environ, puisqu'un chauffeur ne peut alors plus faire seul l'aller-retour dans la journée en respectant ses coupures ! En devant aller chercher la paille à 250 km en général, les coûts sont en gros les suivants :

Dans ce cas, avec un prix départ à 52 € chargé, on arrive ici à 90 € environ ! Les contre-voyages sont interessant à condition d'avoir des plateaux et non des camions bâchés ! Le savoir faire du chargeur devient le facteur clé ! Quelques bottes de plus ou de moins changent les camemberts !

          

La part du transport reste le poste majeur ! Un camion mal chargé fait passer le coût à 95 € /t. Mais surtout, la distance augmente avec les besoins et les coûts du transports suivent ! Voici un autre cas du coût de la paille reçue ici en contre-voyage, à 330 km...

                     

La situation empire quand il faut aller en Picardie, c'est à dire à plus de 400 km d'ici !!!! Les coûts de transport dépassent alors 50 % du coût de la paille livrée et avoisinent les 110 € évoquées auparavant. Quand ce dernier chiffre sort à mi-juin, peu d'éleveurs connaissent alors ces ordres de grandeur ! J'en reviens à ceux qui ont donné 100 €, le coût final pour une livraison à 250 km est de 170 € /t...

Certains éleveurs veulent alors que le ministre  interdise de broyer la paille dans les pays de culture. Personnellement, je suis contre cette mesure car le passé démontre que tout n'est pas aussi simple. Mais heureusement, la solidarité paysanne va marcher à fond, sans obligation, la plupart des céréaliers ne broieront pas la paille et la rendront utile, d'une façon ou d'une autre, aux éleveurs !

Cet élan formidable ne sera pas pas forcément récompensé, ni reconnu par la suite à sa juste valeur...

                                 

Comments

[paysanheureux]

Mathieu: Tout dépend du département.. En 2003 ici, tout le monde pouvait et cette année je crois que c'est comme cela ! En parallèle, ma coop a également organisé une opération de plusieurs milliers de tonnes ! Et, je ne peux pas en parler ici, mais au coup par coup, des gens comme Emmanuel ( d'une autre famille que la FNSEA) ont été plus que formidable... Mais je constate que bien souvent, pas toujours il est vrai, ce sont ceux qui sont les plus critiques contre tout, qui cassent les mécaniques ! Je vais l'écrire, car certains éleveurs ne méritent pas l'élan de solidarité des céréaliers. J' attends juste que tout soit terminé...

[Mathieu]

Je trouve votre description de la solidarité paysanne un peu idyllique. Je suis éleveur en Vendée. Ici (comme dans beaucoup de départements) la solidarité n'a marché que pour les adhérents de la FNSEA ! Ceux syndiqués ailleurs ou non syndiqués n'avaient d'autres choix que de se débrouiller par eux mêmes ! La Chambre d'agriculture a refusé d'assumer cette missions, pourtant d'intérêt général. Cette "solidarité" au service des agriculteurs adhérent au bon syndicat m'a laissé un goût amer...